Sur les pas d'André Theuriet : La Chanoinesse (18) et fin
Le 20 septembre 1792, la canonnade de Valmy vient d'avoir lieu. L'armée prussienne bat en retraite, plus par des déconvenues d'ordre physique et morale des troupes que l'affrontement avec les révolutionnaires. La chanoinesse doit prendre le chemin de l'exode et quitter l'Argonne.
Quatrième partie 1793, I L'exode
P.279 "Malgré les prudentes recommandations du prince de Prusse, la chanoinesse retardait de jour en jour son départ pour Verdun. Elle ne pouvait se résoudre à quitter l'Argonne, espérant encore apprendre la nouvelle d'une seconde bataille plus décisive que la canonnade de Valmy."
( ) "Le 1er octobre, Courouvre qui était parti sous-bois, dans la direction de Ville-sur-Tourbe, revint le même soir annoncer que l'avant-garde prussienne était déjà à Massiges, et que le gros de l'armée battait décidément en retraite."
P.280 "Il fallait profiter sans retard de ce que le chemin de Varennes à Verdun était encore libre. Le 3 octobre, Hyacinthe prit congé de Mle de Saint-André et, sous l'escorte de Courouvre et de Vendières, se mit précipitamment en route à travers la forêt."
P.283 "... Hyacinthe rentra à Verdun le à octobre au soir. Elle y rapportait le deuil de ses illusions."
P.284 " Sous l'auvent d'une échoppe, un ouvrier dire tout haut à son camarade, en la montrant du doigt :
- En voilà encore une qui croyait remonter sur ses grands chevaux et qui frayait avec les Prussiens,... mais le vent a tourné; elle aura de la chance si elle garde sa tête sur ses épaules!"
( ) "Le 12 octobre, de sourdes rumeurs coururent par la ville. On affirmait que l'ordre était donné de vider les hôpitaux et les ambulances, et que Verdun allait être rendu aux Français."
P.286 "Ainsi le roi et sa famille sont sacrifiés, tout est perdu et nous devons reprendre le chemin de l'exil?"
P.290 "- Hyacinthe! s'écria Baujard, à qui la joie de la retrouver faisait oublier tous ses griefs, pourquoi m'avez-vous caché votre retour?"
Quatrième partie 1793, II Sur les routes
P.294 "Le lendemain 11 octobre, par une matinée de brouillard, François Baujard, à cheval, embusqué près de la porte Chaussée, assistait au passage des fourgons et des voitures qui s'enfonçaient sous la voûte avec un roulement sourd."
P.296 "Alors, ayant rencontré un pont de bois jeté sur le fossé et, suivant l'exemple de quelques cavaliers, il s'élança dans la prairie située en contre-bas. Il espérait pouvoir y chevaucher plus vite et apercevoir de loin cette berline qui emportait vers l'exil la souveraine maitresse de son cœur."
P.298 "Une brume de tristesse lui tombait sur le cœur, tandis qu'il montait lentement la cote de Bras. A Vacherauville, il prit la route. de Damvillers et mit son cheval au trot."
( ) "A Flabas, Baujard dut s'arrêter pour laisser souffler son cheval et manger un morceau. Ce ne fut qu'à la tombée du jour qu'il arriva à Damvillers."
P.305 "Vous n'étiez pas couché, monsieur François? - Non... Qu'est-il arrivé? demanda Baujard.
- Oh! une algarade dont je me serais bien passé. Comme je vous le disais tantôt, mon jeune frère est un enragé... Il a été prévenu par un homme de Billy qu'une voiture d'émigrés, escortée par des uhlans, devait passer par les bois de Mangiennes..."
P.306 "A mesure que Simon parlait, Baujard devenait livide.
- Il y avait deux dames dans la berline, n'est-ce pas?
- Effectivement, deux dames et un vieux. monsieur... Vous les connaissez? reprit Lepage stupéfait."
Quatrième partie 1793, III Le Chanois
P.307 "Au bruit de la porte, Mme d'Eriseul s'était retournée et avait poussé une exclamation en apercevant le procureur-syndic.
- Hyacinthe! s'écria celui-ci en s'élançant vers elle.
- Ah! Baujard, soupira Mme de Rosnes d'une voix gémissante, c'est la Providence qui vous envoie!"
P.310 "Mesdames, dit-il en posant le paquet de hardes sur la table, ce brave homme s'est laissé attendrir et il m'a donné carte blanche pour vous faire évader."
P.312 "Le plus sûr est de profiter de la nuit pour descendre par Consenvoye dans la vallée de la Meuse; les ennemis l'ont quittée depuis plusieurs jours et les troupes républicaines ne l'occupent pas encore."
( ) "Nous traverserons la rivière à Charny et, laissant Verdun sur la gauche, nous atteindrons au petit jour la forêt de Souilly."
P.315 "La ferme du Chanois, située en pleine forêt de Souilly, appartenait depuis un siècle à la famille du procureur-syndic et il y-avait été élevé. Les fermiers étaient de vieux serviteurs des Baujard."
P.320 "Baujard avait pris le journal et le parcourait rapidement. Il y vit en effet que, sur la proposition de Buzot, appuyée par Danton, la Convention bannissait à perpétuité les émigrés du territoire de la République."
Quatrième partie 1793, IV Jour d'hiver, V Coco Raulin
P.326 "Malgré ses répugnances pour le métier militaire, Julius-Junius Renard n'avait pu se soustraire à la réquisition qui suivit l'arrivée de Dumouriez en Argonne."
P.329 "En quittant le Chânois, François avait d'abord gagné Varennes où il était allé ostensiblement rendre visite à son ancien collègue Georges."
P.339 "Les pressentiments de Baujard ne le trompaient point. Le séjour de Verdun, en compagnie du représentant Bo, avait réveillé les rancunes de J.-J. Renard."
P.340 "Ah! il possède une ferme près d'ici! observa Renard, pour qui cette révélation fut un trait de lumière."
P.343 "Et tu as de la famille?... Vous êtes nombreux au Chânois?
- Assez, poursuivit Coco, devenu tout à fait communicatif après avoir lampé un troisième verre;
- il y a donc d'abord notre Adeline, notre Gène, qui est mon garçon, notre fille Zélie, et puis.
- Et puis?
P.346 "Sainte mère de Dieu! s'écria-t-elle, Coco ramène un étranger... Sauvez-vous vite!"
P.347 "Notre Adeline, balbutia Coco d'un ton patelin, et j't'amène le citoyen Renard, délégué du Département, qui m'a fait mille honnêtetés à Souilly, et qui a désiré visiter notre ferme."
P.349 "Victoire, répondit délibérément Adeline. Victoire Macquart.
- Tiens, observa Julius-Junius en dévisageant Coco consterné, tu m'avais dit qu'elle se nommait Désirée?"
P.350-351 "Maman, la ferme est entourée de soldats...Vite, vite, madame, gagnez le pavillon!...Hélas! Il n'était plus temps. Derrière Zélie, J-J Renard accourait, suivi d'une escouade de gardes nationaux. Il avait une lueur triomphante dans les yeux et un mauvais sourire sur les lèvres :
- Citoyenne Hyacinthe d'Eriseul, dit-il en découvrant son écharpe, au nom de la loi, je t'arrête! -
P.351 "Sur ces entrefaites, les gardes nationaux rentrèrent, poussant devant eux M . de Rosnes et M. de Vendières."
Quatrième partie 1793, VI La prison des Sœurs Claires
P.357 "Achetez le Républicain, le journal des vrais sans-culottes!... Lisez les détails de la grande trahison de l'ex-chanoinesse Hyacinthe d'Eriseul... L'arrestation de l'espionne de Brunswick, sa translation à la prison des Sœurs-Claires.!."
P.358 "« Perdue!... Elle est perdue! Ces seuls mots revenaient à Baujard avec la douloureuse régularité d'un balancier, et, chaque fois, lui meurtrissaient le cœur."
( ) "C'était J.-J. Renard qui avait fait le coup... Hyacinthe était écrouée avec sa tante aux Sœurs-Claires, tandis que M. de Vendières avait été incarcéré aux Carmes, où l'on enfermait les hommes arrêtés comme suspects."
P.366 "Citoyenne, commença-t-il d'une voix aiguë et autoritaire, l'instruction de votre affaire est terminée et le conventionnel Bô a ordonné votre translation dans une prison de Paris, en attendant que vous comparaissiez devant le tribunal révolutionnaire..."
P.367 "Hyacinthe se retourna, et le toisant avec une ironie méprisante :
- Vous allez me proposer quelque infamie?
- Non, mais un moyen de salut que plusieurs femmes de votre caste ont accepté sans hésitation... Si vous deveniez l'épouse d'un républicain irréprochable, vous ne seriez plus suspecte aux révolutionnaires... Si, par exemple, vous consentiez à être la femme de Julius-Junius Renard, vous seriez libre demain..."
P.370 "Hé bien! votre amie a-t-elle remis mon billet à Mme d'Eriseul?
- Hélas! non, monsieur Baujard.
- Elle n'a donc pu entrer aux Sœurs-Claires?
- Si fait, mais Mme d'Eriseul n'y était plus; elle est partie ce matin dans la charrette qui emmène à Paris un convoi de prisonnières..."
( ) "En ce cas, je partirai cette nuit même pour Paris.
-Y pensez-vous, monsieur Baujard?... C'est votre tête que vous risquez!"
Quatrième partie 1793, VII L'amour et la mort
P.372 "Le commissionnaire qui s'était chargé de voiturer Baujard jusqu'à Paris mit dix jours pour faire le trajet;"
P.373 "Comment! dit-il à voix basse, c'est toi, mal- heureux?... Tu viens te jeter dans la gueule du loup !
- Oui, répondit Baujard, je suis las de me cacher et je viens demander des juges à la Convention."
P374 "En demandant de partager sa prison, tu agis de façon à justifier les accusations lancées contre toi!...Sacrebleu, songe à défendre ta tête, et laisse ta chanoinesse suivre sa destinée!..."
P.377 « Mon amie, je suis à Paris et on va m'écrouer à la prison du Luxembourg. Bientôt nous y serons réunis. Ayez courage et bon espoir; je vous adore; tout mon amour et tout mon cœur s'en vont vers vous avec ce billet que vous remettra un ami. « BAUJARD. »
P.380 "Non seulement des semaines, mais des mois passèrent sans amener aucun changement dans sa situation. On touchait à la fin d'avril. En cette année 1793, le printemps fut hâtif."
P.381 "Cette fois, son espérance n'était pas trompée : c'était bien son unique amie, sa Hyacinthe adorée qui gravissait les marches boueuses, sous l'escorte d'un geôlier..."
P.382 "Leurs bras se dénouèrent enfin et il fallut songer à l'installation de Mme d'Eriseul. On la logea au-dessus de Baujard, dans un entresol qui communiquait avec le second étage par un escalier intérieur. La cellule misérablement meublée avait également une fenêtre sur le jardin. Baujard ne voulut laisser à personne le soin de l'aménagement."
P.383 "La chanoinesse secoua la tête.
- Je ne me fais pas d'illusion... Le tribunal révolutionnaire a condamné à mort, il y a quelques jours, les jeunes femmes qui ont porté des dragées au roi de Prusse...J'étais avec elles et j'aurai le même sort..."
P.388 "François Baujard et Mme d'Eriseul comparurent côte à côte devant le tribunal."
P.390 "Parmi des encombrements de spectateurs, on traverse la rue de la Monnaie, la rue Honoré, la rue Florentin, - enfin on gagne au soleil couchant la place de la Révolution, où la guillotine découpe sa sinistre silhouette sur le ciel empourpré. Des milliers de têtes coiffées du bonnet rouge l'entourent et des huées se mêlent aux roulements des tambours..."
P.390-391 "Après une dernière étreinte, Hyacinthe s'arrache des bras de François. La première, elle descend de la charrette et les valets de Sanson la poussent jusqu'à la plate-forme... Baujard obtient la faveur de monter immédiatement après elle, et la Mort, cette pâle sœur de l'Amour, les emporte presque en même temps sur ses ailes fraternelles."
Documentation :
André Theuriet, La Chanoinesse 1789-1783, Armand Collin et Cie Editeurs - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, p.279 -391
Date de dernière mise à jour : 25/09/2024
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