Sur les pas d'André Theuriet : La Chanoinesse (1)

Ainsi commence le roman d'André Theuriet "La Chanoinesse"

Première partie,  1789,  Ventres affamés

P.1 "En 1788, année de sécheresse, la récolte avait manqué presque partout. L'hiver qui suivit fut exceptionnellement dur. De novembre à décembre, le thermomètre descendit à dix-huit degrés au-dessous de zéro et comme, malgré cet excessif abaissement de température, la neige n'apparut que très tard, les semailles d'octobre gelèrent. Les espérances fondées sur la moisson de 1789 se trouvèrent ainsi elles-mêmes détruites en germe. Les approvisionnements étaient insuffisants. Dès le mois de mars, la famine commença à creuser les visages haves des pauvres gens et à épeurer les cultivateurs, qui cadenassèrent prudemment les coffres de leurs greniers".
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P. 2 "En plein été, on vit les tisserands oisifs errer, le ventre vide et les bras ballants, dans le faubourg de Véel, tandis que leurs femmes en haillons assiégeaient les portes des boulangeries".
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P. 4 "L'assemblée des notables avait été convoquée le 27 juillet 1789, dans l'ancienne église Saint-Maxe, pour voter une adresse de remerciements à l'Assemblée nationale qui venait de décréter la création d'un comité des subsistances. Pélissier, l'un des principaux commerçants de la ville, n'avait garde de manquer à cette réunion et, vers quatre heures de l'après-midi, il quittait sa maison de la rue du Cygne pour se rendre à Saint-Maxe".
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P. 4 "Il venait de franchir le passage qui mène de la rue du Cygne au carrefour de la Couronne, lorsqu'il fut abordé par un personnage qui traversait la place en sens inverse".
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P. 6  "— Je sais, repartit Pélissier en haussant les épaules, on me traite d'accapareur!... Moi, un accapareur!... J'attends encore demain des chariots de la Woëvre qui m'amènent mille sacs de grains destinés à approvisionner les boulangeries... J'ai fait mon devoir et plus que mon devoir, monsieur le député; ma conscience ne me reproche rien".
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P.7 "Bar-le-Duc est divisé en ville haute et ville basse. La ville haute chevauche l'un des contreforts des collines vignobles au pied desquelles coule l'Ornain. Les maisons couvrent la crête et les flancs de ce contrefort qui s'allonge obliquement, comme un cap, dans la vallée et creuse sur la gauche une étroite gorge où le faubourg de Véel serpente entre des vergers et des vignes".
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P.7 "La rampe que gravissait André Pélissier, bordée d'un côté par le mur de ville et de l'autre par les bâtiments du collège, conduisait au terre-plein où était situé l'ancien château ducal dont il ne reste plus qu'une massive porte cintrée, et à l'église Saint-Maxe, aujourd'hui démolie".
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P.7 "De cet endroit la vue est récréée par l'originale perspective des maisons de la vile haute, étageant leurs façades, leurs tourelles, leurs galeries en arcades et leurs jardins en terrasse, en face d'un coteau drapé de vignes et semé de bouquets d'arbres".
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P.8 "Lorsque André Pélissier fut à quelques toises du parvis; il observa que la place existant entre la tour de l'Horloge et la rue du Baile était toute noire d'une foule grouillante et tumultueuse : tisserands aux longs bras maigres, à la barbe en désordre, à la face blémie par un séjour prolongé dans des caves humides; vignerons aux vestes bleues déteintes, aux épaules voûtées par le travail du chaverot, au teint terreux, recuit par le soleil; femmes aux tignasses embroussaillées, aux casaquins troués, aux cotillons effiloqués, montrant des jambes nues".
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"— A bas Pélissier! A mort l'accapareur!... Pendons-le !" ( )

"- Tu voulais nous faire crever de faim, dit-il, eh bien! à ton tour... On va te faire passer le goût du pain !
Il le poussa brutalement devant lui. Dix ou douze lourdes poignes s'abattirent sur les épaules du négociant et on l'entraina hors de l'église. Il y avait non loin du portail une citerne profonde et remplie d'eau.
- Faites-lui boire un coup! criait-on..."
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P.10 "C'était l'abbé Rollet, chanoine de Saint-Maxe, un prêtre énergique et doux, bien connu dans le faubourg de Véel pour son dévouement et sa charité.
- Mes amis, supplia-t-il, la colère vous égare... Arrêtez!... Conduisez-vous en chrétiens et non en sauvages!
Il fut interrompu par des imprécations furibondes :
- Assez!... à la sacristie, le curé!... Pas de sermon!... Nous ne sommes pas ici à la messe!
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P.12 "Alors on se rua de nouveau sur Pélissier. Le Calougnat lui enleva son habit gris, puis quatre hommes le prirent par les bras et les jambes et le portèrent en hurlant jusqu'au bord de la terrasse du parvis. Là, après l'avoir balancé un instant dans le vide, ils le précipitèrent sur les pavés de la Côte".
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P.12 "Sur la place de la Couronne, un paysan conduisait une charrette vide. En entendant ces hurlements féroces et en voyant déboucher cette galopade enragée, il prit peur et se sauva".
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P.13 "Le Calougnat attacha le moribond par les pieds à l'arrière-train et se jucha lui-même sur les barreaux de la grande échelle de devant, en agitant au bout de sa trique, comme un horrible drapeau, l'habit ensanglanté de Pélissier".

 

A suivre...

 

Note : (Certaines photos de façades, de maisons sont corrigées avec parcimonie à l'aide de l'Intelligence Artificielle (IA). En effet, à Bar-le-Duc il est compliqué, voire impossible de photographier des façades sans fils, sans boitiers de réseaux divers, c'est bien dommage).

Documentation :

André Theuriet, La Chanoinesse 1789-1783, Armand Collin et Cie Editeurs - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Date de dernière mise à jour : 22/06/2024

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