Journée internationnale des forêts 2024 : La forêt sur la gaize

En Argonne, la relation entre la gaize et la forêt

L'Argonne, des liens intimes entre la gaize, la forêt et l'eau (une source jaillit sous cet arbre)

La gaize est une roche sédimentaire siliceuse de type grés affleurant rarement en surface. C'est durant le Crétacé aux périodes charnières de l'Inférieur et du Supérieur et dont les étages correspondent à l'Albien et au Cénomanien qu'un long travail de dépôt et de sédimentation s'effectue. Cette formation géologique de gaize se dresse en une côte de type cuesta à l'Est du Bassin parisien entre les côtes de Champagne et de Meuse.

L'orogenèse et le travail érosif dont celui de l'eau parachèvent et sculptent un relief accidenté et complexe. Les versants à l'Est du massif sont souvent abrupts. Les plateaux sont cisaillés de profonds vallons, localement appelés gorgeons. La forêt s'installe sur ces sols parfois pentus et sans beaucoup de terre arable. Cette rareté géologique avec son couvert forestier, associée à l'eau, caractérise l'Argonne. L'histoire de ce territoire s'écrit pour une bonne part autour de ces trois éléments tout d'abord comme matières premières.
Dès l'époque gallo-romaine des fours servent à la cuisson des poteries et à la fabrication des premiers verres. L'industrie verrière perdure jusqu'au XXème siècle, mais également les briqueteries et les tuileries. Durant des siècles, la fabrication du charbon de bois nécessaire à ces industries va peser sur l'exploitation forestière à la limite de l'épuisement.
Au Moyen-Âge, les moines trouvent en ces lieux inhospitaliers le moyen de s'implanter durablement. Les religieux vont s'employer à défricher des espaces, comme des côteaux pour planter de la vigne, des vallons marécageux pour aménager des étangs. Ils vont également largement utiliser le bois pour le fonctionnement de leur forges. Au fil des siècles, les abbayes sont propriétaires de vastes forêts. Des conflits naissent comme celui au sujet du bois des Hauts Bâtis dont le procès s'étale sur plus de de 500 ans.  C'est avec la Révolution et la confiscation des biens des abbayes que sont issues certaines forêts domaniales.
Dans un registre autre qu'économique, la gaize et la forêt d'Argonne deviennent dès l'aube de la Première guerre mondiale le théâtre de violents combats. L'armée allemande trouve lors de son repli en Argonne, avec sa forêt épaisse et son relief accidenté, un terrain propice pour fortifier ses positions défensives. Plus de cent après, la forêt, le sol et le sous-sol gardent de nombreux vestiges comme des sapes, des tranchées, des trous d'obus, des cratères de mine, des munitions. Certaines parcelles devenues inexploitables pour des décennies sont ainsi devenues des forêt domaniales.

Le front de gaize à Chatel-Chéhéry, les pentes sont abrupts

Les arbres doivent insérer leurs racines dans les interstices, les fissures pour puiser l'eau et trouver quelques matières organiques.

Il convient d'être robuste et en bonne santé pour affronter ce sol défavorable au développement d'un arbre. En majorité ce-ceux sont les hêtres et les chênes qui se hasardent sur ces sols. Quant aux conifères, ils sont en grande partie issus de plusieurs campagnes de plantation dont celle d'après la Première guerre mondiale pour recouvrir les champs de bataille. Ces dernières années, sur ces sols difficiles les successions de sécheresses et de canicules ont favorisé le développement des scolytes anéantissant les pessières. 

Entre Florent-en-Argonne et le Claon. Les fronts de gaize ou d'anciennes carrières nous offre une coupe grandeur nature pour apprécier la dualité entre la gaize et la forêt; C'est aussi mieux comprendre la formation du sol (pédogenèse) issues de facteurs comme le substratum (roche et roche-mère), le climat, la topographie, les agents biologiques et le temps écoulé.

Le long de la D2c en montant au centre médico-social de Clermont-en-Argonne

En forêt de la Croix-au-Boix, le long de la route forestière du Bois de Ham

Entre Vienne-le-Château et Vienne-le-Ville - En bordure des fronts de gaize, il n'est pas rare de voir des arbres tombés suite à des coups de vent ou de fortes pluies.

Sur les pentes, le peu de terre végétale est ravinée, laissant une partie des racines à nu.

A Toges, les effets de l'érosion du front de gaize

La photo ne rend pas suffisamment compte de la situation, mais l'arbre est complétement dans le vide. La plus grande partie des racines étant complétement dépourvues de terre, seules quelques-unes assurent encore l'équilibre précaire.

La Gorge aux Couleuvres

Documentation :

Vassili Dokoutchaïev, pédologie